mardi 22 novembre 2011

De l'avenir des librairies indépendantes

Il y a de cela quelques semaines, après avoir annoncé mon partenariat commercial (et expérimental) avec BdFugue, j'ai reçu une gentille volée de bois vert sur le site du "libraire qui se cache pour mourir", site que je vous conseille d'aller lire avant de poursuivre, pour tout bien comprendre.

Nous avons depuis échangé par mail (chacun en portant un masque, pour préserver notre anonymat), et voici un résumé succinct de nos discussions amicales.


J'ai d'abord tenu à le rassurer sur un point : non, bien entendu, je ne crois pas à la seule force de frappe commerciale de mon éditeur pour permettre à un livre d'exister.
Et si je pense qu'un bon positionnement marketing ne fait pas de mal, je reste pour autant convaincu du rôle déterminant des libraires engagés qui font leur boulot avec passion (en parlant de livres pendant des heures, en organisant des dédicaces, des évènements, des rencontres, en se déguisant en Transformer, ou non, peut-être pas en se déguisant en Transformer).


Or il se trouve que j'ai justement trouvé en Vincent (de BD Fugue Annecy) cette passion et cet élan pour mon travail depuis mes débuts : il a défendu chacun de mes albums, les a conseillés, poussés, etc... Bref, j'ai précisément l'impression qu'il fait un travail de libraire spécialisé.

Chose que ne remet d'ailleurs pas en question le "libraire masqué", qui m'a bien précisé ne pas comparer des mastodontes façon Amazon/Fnac à un réseau comme BdFugue, mais qui remet surtout en question le fantasme des "ventes faciles via les réseaux internet".


Pour lui, c'est succomber à un angélisme naïf que de penser une seule seconde que les conseils donnés par les internautes pourront remplacer ceux du libraire : d'une part parce que ces avis (même s'ils sont parfois brillants) évoquent souvent des livres déjà partiellement connus (entraînant dès lors un effet de boucle qui met encore plus en avant des livres déjà mis en avant, etc…), d'autre part parce que les ventes ainsi obtenues n'atteindront jamais les chiffres effectués par les libraires spécialisés qui y passent tout leur temps, toute leur énergie (et qui y laissent visiblement une partie de leur santé mentale).


Et en très gros, notre ami anonyme se demande si on ne succombe pas déjà à une "prophétie auto-réalisatrice" en annonçant la victoire par KO d'internet sur les librairies physiques, créant de fait précisément les conditions pour ça finisse par nous tomber lourdement sur le coin de la figure.


Tous ses arguments sont assez convaincants, c'est vrai. Et ma position réelle se situe sans doute à mi-parcours de tout cela.

Disons pour faire bref que : primo, je crois tout de même le phénomène internet trop lancé et trop énorme pour qu'on ne soit pas obligé d'en tenir compte en essayant d'anticiper ses conséquences et bouleversements à venir. C'est dans ce sens que je pense utile de réfléchir à des partenariats (aussi symboliques soient-ils au départ) associant internet, auteurs et libraires spécialisés.

Et que secundo, le libraire masqué a tout à fait raison de dire qu'il nous faut continuer à rappeler le rôle primordial des libraires spécialisés dans l'écosystème du livre, en répétant autant qu'on le pourra (ce que je n'ai sans doute pas fait assez, par habitude) qu'à choisir, si on peut acheter le livre chez son libraire préféré au lieu de le commander sur internet, essayons de le faire !

C'est d'ailleurs en ce sens que je continue bien entendu à faire des dédicaces en librairies, comme je vais d'ailleurs le faire pas plus tard qu'aujourd'hui avec Jason et notre "Ile aux 100 000 Morts", à MultiBD, 122-124 boulevard Anspach, à Bruxelles, le tout accompagné d'une superbe exposition de planches originales !

C'est pas Ebay qui ferait ça, tiens.


Pour ceux que ça intéresse, plein d'infos intéressantes pour prolonger la réflexion, sur le site du Motif.