mercredi 10 octobre 2018

« Polaris ou la Nuit de Circé » sort cette semaine !!




… et puisque cet ouvrage (de Gwen de Bonneval et de votre serviteur) traite d’érotisme et de pornographie, je profite de l’occasion pour revenir sur la brève polémique ayant entouré « Petit Paul », le dernier livre de Bastien Vivès, qui a créé une vive émotion sur les réseaux sociaux (et sur lequel on m’a posé une brève question lors de mon passage au « Nouveau Rendez-Vous » de Laurent Goumarre, mais sans que je puisse avoir le temps de m’attarder autant qu’il l’aurait fallu).

Il y aurait en effet beaucoup à dire autour des réactions suscitées par le livre comico-pornographique de Vivès. Mais quitte à choisir un premier angle d’approche, je commencerai par le versant pornographique (avant de revenir sur le versant comique).

Car on a beaucoup écrit sur les forums que « Petit Paul » était un ouvrage pédo-pornographique, mais sans que ce terme soit si évident à définir. 
Si j’en crois un dictionnaire, il y a pédo-pornographie quand un récit mêle des mineurs à une forme ou une autre de sexualité, et de fait, on a tendance à vite l’associer à de la pédophilie (= le fait pour des adultes d’éprouver du désir pour des enfants). 
Mais quand j’ai effectué mes entretiens de « L’herbier Sauvage », je me suis rendu compte que de nombreuses personnes pouvaient éprouver des fantasmes mêlant monde de l’enfance et érotisme, sans pour autant qu’on puisse parler de pédophilie. Quelques exemples en vrac : une femme qui - enfant - aurait voulu coucher avec un personnage adulte de la série animée « Ulysse 31 », ou bien encore une dominatrice me racontant que nombre de ses clients aiment se faire « infantiliser » par elle et se déguisent en bébé qui mériterait « une bonne punition », etc…



Dans le cas de « Petit Paul », je pense donc que nous avons plus à faire à un fantasme « d’infantilisation » qu’à un fantasme pédophile (Bastien Vivès « jouant » le temps de ce livre à être un enfant de 9 ans à gros sexe, et subissant moult avanies de la part de femmes à gros seins). L’auteur cherche donc bien à « exciter » son public – mais pas un public de pédophiles (lequel – j’en ai peur – va plutôt se tourner vers de la pornographie vidéo, avec tout ce que cela sous-entend d’insupportables abus commis envers des enfants, ce que mon post ne cherche à minorer ou à justifier d’aucune manière, je pense que vous l’aurez compris). 
Reste que Vivès flirte avec des tabous, et que cela peut énerver, je vais y revenir.

Revenons maintenant au registre de l’humour, dont « Petit Paul » me semble aussi amplement relever : un humour potache, volontairement outrancier et de mauvais goût, où la transgression est précisément recherchée pour l’effet de surprise (ou de sidération) qu’elle va apporter. 



Un éclat de rire, c’est souvent notre réaction à quelque chose d’absolument inadapté, et une bonne chute est généralement une chute qu’on n’a pas vu venir. Utiliser des gags « hénaurmes » (voire les accumuler sans vergogne, comme dans le chapitre « Petit Paul va à un goûter ») me semble donc d’abord être une manière pour Vivès de déclencher des rires (éventuellement nerveux) par une surenchère scato-zoo-débilo-pornographique. Au passage, précisons que ce type de blagues peut aussi emporter l’adhésion d’adeptes du 8ème degré, qui sauront pertinemment que le gag est débile – et riront précisément parce que le gag est débile. On pourrait comparer ça une à une blague de Toto, du type : « Sa maman demande à Toto d’aller acheter du jambon, Toto va au marché mais dépense l’argent pour des bonbons, du coup quand il revient à la maison, il se coupe la fesse et la donne à sa maman, qui dit « Mhmm, il est bon ton jambon, Toto »). Un enfant va rire parce que la blague est transgressive (« Hihi, Toto il se coupe la fesse, hihi !! »), mais un adulte pourra en rire aussi - par exemple en l’entendant proférée par Steve Mc Queen dans « Le Grand Détournement » - précisément parce ce qu’on ne s’attend pas à ce que Steve Mc Queen nous raconte une blague d’enfant de 6 ans.



 Ceci étant dit - on le sait depuis Pierre Desproges et Valérie Lemercier - « on peut certes rire de tout, mais pas avec n’importe qui »… Et c’est là qu’Internet et les réseaux sociaux jouent un rôle important dans la « dynamique de réception de la blague ».

Imaginons en effet que deux individus (enfants ou adultes) se racontent l’histoire de Toto évoquée ci-dessus, mais au fond d’une église pendant une cérémonie d’enterrement (pour passer le temps, ou comme moyen instinctif pour contrer leur propre tristesse, que sais-je). Hé bien, Internet serait alors comme un micro amplificateur qui permettrait à toute l’audience d’entendre cette blague, à la plus grande colère des premiers rangs qui enterrent un proche et qui pourront trouver que ce n’est « ni le lieu ni le moment » et se sentiront légitimement offensés.

Nul doute qu’une personne pour qui le thème de la pédophilie est infiniment douloureux puisse se sentir blessé par le fait qu’un auteur « blague » sur le sujet. Car la blague ne lui était pas destinée, mais a fini – par un effet de propagation propre à internet (et facilité par des algorithmes qui flairent et amplifient les sujets clivants qui attirent des « clics ») par lui arriver aux oreilles, au risque de laisser croire que sa souffrance est niée. 
A certains égards, c’est le même phénomène qui a pu se produire pour les caricatures de Mahomet, lesquelles étaient avant tout destinées à un public occidental (supposé connaître et soutenir les principes de laïcité et le droit à la liberté de parole) mais ont parfois été découvertes à l’autre bout de la planète par des musulmans qui ont pu croire qu’on s’en prenait ostensiblement et spécifiquement à leur religion. Il y a là un langage culturel qui n'est pas commun et difficilement partageable.




(Parenthèse : puisqu'on parle de mécanismes médiatiques, je présume aussi qu'une partie de l'énervement des internautes est lié au fait que tous les ouvrages de Bastien Vivès sont à peu près systématiquement chroniqués favorablement dans les médias - quelles qu'en soient les qualités réelles -  ce qui peut parfois être un brin irritant, reconnaissons-le. Il n'est d'ailleurs pas impossible que Vivès lui-même ait eu envie de "tester" les limites de cet accueil toujours enthousiaste en écrivant "Petit paul". Fin de la parenthèse.)

Mais pour revenir à certaines réactions d’internautes énervés, j’ai eu l’impression qu’à delà du cas précis de « Petit Paul », nous avions peut-être aussi affaire à un sentiment plus général de « ras-le-bol » d’une partie de la population française vis à vis d'un excès de transgression : comme si l'on craignait – au fond – que plus rien n'ait de valeur dans notre société, que plus rien ne puisse être "sacré" ou « respecté », au risque d’une perte générale de repères.
Un sentiment que j’ai aussi perçu lors de mes entretiens de l’Herbier Sauvages, quand des contributeurs et contributrices me confiaient ne pas être toujours très à l’aise avec la permissivité ambiante (« post-68 » pour le dire vite), et les perpétuelles injonctions médiatiques à « jouir sans entrave » pour ne pas paraître « coincé du cul ». Ils/elles se sentent parfois "contraint-e-s", "forcé-e-s" par la pression sociale.




Or cette possible dérive vers un excès de permissivité, c’est précisément un des sujets de « Polaris », puisqu’il y est question d’un Cercle Mystérieux, nommé Circé, qui tente de réinventer l’érotisme en s’imposant des contraintes, des « nouveaux tabous », temporaires et circonscrits dans le temps, de manière à s’obliger à inventer de nouvelles pratiques. 

Car là où je peux partager certaines des craintes évoquées sur des forums, c’est lorsqu’elles évoquent les retombées psychiques et sociales de l’omni-présence en ligne d’une certaine pornographie : misogyne, dégradante, de plus en plus dure, sans imagination aucune, et pourtant accessible à tous et toutes… y compris à des mineur-e-s qui pourraient hélas finir par croire qu’il s’agit là d’une représentation crédible du réel (et je profite au passage pour rappeler « qu’une autre pornographie est possible », respectueuse de ses acteurs et actrices, mais aussi de la diversité de ses spectateurs et spectatrices, mais qu’elle est alors payante, ce qui est tout à fait normal car tout travail mérite salaire - cf cet article du blog « Oh Joy Sextoy », en anglais).


« Polaris » se veut donc un début de réponse – imparfaite mais enthousiaste – à cette problématique contemporaine : en prônant l’imaginaire et la créativité (à travers l’enquête policière et la quête personnelle de son héroïne), notre récit tente d’inventer une 3èmevoie, entre la « trop grande permissivité » actuelle évoquée ci-dessus et les « bonnes mœurs » d’un passé corseté où l’on pensait devoir réglementer la vie érotique et intime des hommes et des femmes.

Je reviendrai dessus, mais vous souhaite d'ores et déjà une bonne lecture !


lundi 30 mai 2016

Soirée Spéciale Herbier Sauvage, aujourd'hui sur Nova !


Eh oui, les ami-e-s, c'est à 21h30 - quand le soleil flirtera encore avec l'horizon, alors que le ciel sera en équilibre instable entre chien et loup - que débutera une soirée entière consacrée à mon dernier livre, dans l'émission Nova Book Box, sous le titre poétique et mystérieux : "Il m'étrangle et ça va mieux."

Une lecture déjantée et bien évidemment réservée aux plus de 18 ans (de toute façon, si vous êtes plus jeunes, vous serez tout aussi évidemment au lit dès 20h15, petits chenapans).

Sinon, tout va pour le mieux du côté de la sortie du livre : je reçois de nombreux gages de sympathie et de soutien à l'ouvrage, ça fait rudement chaud au coeur !

En fait, les seules contrariétés à déplorer sont venues du côté... d'internet.

D'une part parce qu'Amazon nous a demandé de modifier le visuel de présentation du livre, qui n'avait pas l'heur de plaire à des ligues catholiques qui en ont exigé le retrait... Voilà qui est tout à fait instructif.

Ceux et celles d'entre vous qui achètent sur ce site (tout en se fournissant encore plus régulièrement à votre librairie du coin, je l'espère ?!) devraient donc bientôt pouvoir trouver l'Herbier avec le visuel ci-dessous :
(... en espérant toutefois que nulle ligue de vertu ne s'offusquera de la présence un peu trop explicite des pieds du divan.)

Quant au second motif de contrariété, il est plus personnel mais tout aussi pénible.

En effet, depuis que je consulte sur internet les sites évoquant l'Herbier Sauvage, les subtils algorithmes de Google, Yahoo and Co se sont persuadés que je ne voulais plus que lire des livres de cul - et plus rien d'autre - et m'en proposent donc par paquet de douze dans les spams qui viennent envahir mon écran. Je veux mourir.
Il semblerait donc que ma web-réputation soit désormais complètement cramée, j'en ai peur. Et mon éditrice n'a plus qu'à se voiler la face.

La pauvre.

mercredi 25 mai 2016

Après des années de collecte patiente...

... Je suis très heureux de vous annoncer que c'est aujourd'hui que sort en librairie mon dernier livre, L'Herbier Sauvage !

Ce recueil de textes, illustré par l'immense Chloé Cruchaudet, regroupe le fruit de nombreux entretiens effectués depuis près de six ans à propos de la sexualité des français. Autant dire que ce livre est strictement réservé aux plus de 18 ans.




J'ai déjà eu amplement l'occasion d'évoquer ce projet lors de sa prépublication dans Professeur Cyclope, ou encore sur ce blog dédié, et me contenterai donc d'ajouter que le livre est magnifique, et que je suis très fier et heureux de cette première collaboration avec l'éditrice Clotilde Vu et avec les Editions Soleil. Mon oeil trop critique repère bien encore ça et là quelques défauts mineurs, mais rien qui ne gâche mon plaisir de voir enfin en librairie ce premier opus d'une série d'au moins trois (dont chacun sera illustré par un dessinateur ou une dessinatrice différent-e).



Les plus curieux et curieuses d'entre vous découvriront donc en lisant cet ouvrage plus de 70 récits, recueillis au fil de mes rencontres avec des contributrices et contributeurs anonymes. Des récits parfois drôles, parfois tristes, parfois excitants, parfois dramatiques ou poétiques, mais qui apportent chacun leur propre musicalité, leur manière singulière d'évoquer la sexualité ou l'érotisme.


Quant aux illustrations de Chloé, que dire si ce n'est qu'elles sont magnifiques : ni vulgaires, ni trop allusives, elles donnent littéralement chair à une trentaine de ces histoires, avec un talent incomparable.
Un grand merci à elle d'avoir accompagné cette aventure depuis ses débuts !


Si donc vous avez plus de 18 ans, chers internautes, n'hésitez pas à vous ruer sur ce bel ouvrage pour le dévorer... Vous me direz ce que vous en avez pensé !










jeudi 19 mai 2016

Ca tape dur à Nantes...


... et pas uniquement sur les manifestants qui foulent le pavé du centre-ville (j'y reviendrai).

Je voulais en effet d'abord vous parler d'un récent tournoi qui a eu lieu sur les quais, il y a de cela quelques jours...  (les photos qui suivent sont de PAT - ou de votre serviteur quand elles sont un peu floues).


Eh bien oui, il s'agissait de "Lucha Libro", une compétition venue du Pérou, où l'exercice se pratique depuis déjà plusieurs années.


Le principe consiste à confronter - sur un ring du plus bel effet - des styles variés d'écritures lors de jouxtes textuelles opposants des écrivains masqués, avant de laisser le public choisir son vainqueur...

Ouuuh, toute cette brutalité, ça file les chocottes, pas vrai ?


Que Benjamin Reverdy - de l'association Mille Feuilles - soit ici remercié, car c'est lui qui a eu l'idée de rapatrier cette chouette animation à Nantes, où on avait certes déjà vu des matchs de dessinateurs à moustaches, mais encore jamais d'écrivains cagoulés.
C'aurait été bien dommage de s'en priver.


C'est donc jeudi dernier qu'une foule impatiente et curieuse s'est présentée à Mille-Feuilles, près du Hangar à Bananes,  tandis qu'en coulisses (où on m'avait aimablement autorisé à venir saluer les combattants anonymes), la pression montait lentement mais sûrement.


Et TADAAAAM, les duels ont commencé avec un bel entrain !

Imaginez un peu le tableau :  à chaque match, les organisateurs donnent une contrainte (= écrire d'après deux photos, écrire d'après un mot, etc) aux deux compétiteurs du moment, qui doivent ensuite se démerder-mimile pour inventer et taper sur leur écran d'ordi la meilleure histoire possible, le tout pendant 8 minutes et devant des spectateurs certes sympathiques mais attentifs au moindre dérapage, les fourbes.


Se sont donc enchaînées moultes rencontres épiques entre des adversaires tels que El Pepito et son Greffier de l'Enfer, la Rouquine Carmélite, El Profesor Cabrón, Willy Wolf...


... ainsi que la jeune Silverita, Absolut Limonov, Ludwig Von Pleier ou bien encore le très daft-punkien El Cascador (mon préféré, je dois bien l'avouer - car outre un très joli casque, ce diable d'homme semble posséder toutes les qualités que je souhaiterais secrètement posséder).


Les coups bas ont été légions, les rebondissements aussi. Quant à la qualité littéraire, elle n'était certes pas toujours digne de Tolstoï, comme qui dirait, mais dans le public, je dois reconnaître que nous avons bien ri.


Le tout était musicalement accompagné par les soins de "DJ Grizzly Mexicain", qui a fait du très bon boulot dans sa jolie robe rouge.


Ne conservons pas le suspense plus longtemps, la finale a donc opposé deux survivants exténués, El Cascador et Absolut Limonov, et c'est à l'issue d'un ultime combat de 8 minutes qu'un jury impartial (l'éditeur Bernard Martin) a décidé - de manière unilatérale et avec une parfaite mauvaise foi - que le grand vainqueur ne serait autre que...





 ... Mon choucou El Cascador, aussi surnommé "le Dandy de la Gamelle" !!!
Mon très cher et mystérieux héros, si jamais tu lis ce blog, sache que j'accepterai volontiers d'être ton fidèle acolyte Gamellito lors d'une éventuelle nouvelle compétition.

Bref, encore merci à toute l'équipe de Mille-Feuilles pour ce chouette moment.

A quand le prochain tournoi, que la Rouquine Carmélite puisse éventuellement prendre une spectaculaire revanche contre son némésis casqué  ?




mercredi 20 avril 2016

Instagram et tournage de Seuls.

Un rapide post pour vous informer de la création d'un compte instagram,  plus adapté à mon usage du moment que le présent blog, lequel me servira tout de même parfois pour développer certains sujets.

L'adresse  vehlmannfabien permettra donc aux lectrices et lecteurs intéressés par mon travail de retrouver des images de mes travaux en cours, des photos pas réellement indispensables, ou encore des nouvelles de l'adaptation cinématographique de "Seuls" par David Moreau.

Et voici d'ores et déjà la photo des 5 gagnants du concours organisé par les éditions Dupuis et StudioCanal, qui permettait d'assister à une journée de tournage. Bravo à eux !




A très bientôt, donc.

mardi 21 juillet 2015

Miracle en Satanie

Eh oui, ça y est, c'est officiel et je peux donc enfin l'annoncer aux quelques internautes égarés qui lisent encore ce blog : "Voyage en Satanie" devrait bientôt renaître de ses cendres !


Un miracle diabolique qui a été en partie dû à un de mes précédents posts, où je révélais que le premier volume du diptyque ne connaitrait malheureusement pas de suite, et où je proposais en conséquence de mettre en ligne le scénario du tome 2.

Car ce post - outre qu'il m'a valu de nombreux mails de soutien et de sympathie, un grand merci à vous - a aussi eu l'effet inattendu de faire réagir Clotilde Vu et Barbara Canepa, de la collection "Métamorphoses", chez Soleil... En effet, ces deux grandes fans du travail des Kérascoët ont trouvé trop triste et injuste que ce récit n'ait pas de fin et nous ont donc proposé de racheter les droits du tome 1 et de financer l'élaboration du tome 2, ce qui sera donc fait cette année.  Un acte éditorial très courageux que je tiens à saluer ici publiquement, car on sait qu'il n'est jamais facile de tenter de relancer l'attention sur un titre qui a fait un "faux départ".

Nous allons donc repenser ensemble ce récit pour en faire un beau one-shot d'environ 120/130 pages, album qui présentera donc l'intégralité de l'histoire (tome 1 + tome 2 réunis, plus quelques nouvelles pages et grandes illustrations ça et là).

Quant aux lecteurs qui nous avait fait l'honneur d'acheter le premier tome paru chez Dargaud, nous tâcherons de les en remercier par un petit cadeau sur lequel nous réfléchissons et que nous vous remettrons en dédicace quand vous vous présenterez à nous avec 1) un air déçu très touchant et 2) votre tome 1 en mains.

mercredi 4 février 2015

Marche des Auteurs


Vous l'avez peut-être vu ou entendu, mais une Marche des Auteurs pour la Création a été organisée à l'occasion du 42ème Festival d'Angoulême...

Autant vous dire que ça m'a fait quelque chose de voir autant d'auteurs de BD réunis ensemble pour une cause commune.



A cette occasion, le Snac m'avait demandé de renouer un peu avec mon activité syndicale et de prononcer un discours.

Je me permets de vous en communiquer ici le texte complet (écrit avec l'aide précieuse des membres du Comité de Pilotage du Snac : qu'ils en soient ici infiniment remerciés).

"Cher(e)s ami(e)s

Cette marche, nous l'avions prévue il y a déjà plusieurs mois, pour dénoncer la précarité grandissante et alarmante dans laquelle se trouvent de nombreux auteurs de BD.

Mais avant d'en revenir à ces préoccupations profondes, et suite aux récents évènements qui ont bouleversé le pays, il est évident que si nous sommes réunis aujourd'hui, c'est aussi pour rendre un hommage aux victimes des attentats des 7 et 9 janvier.

A toutes les victimes bien entendu, mais plus particulièrement, puisque nous sommes aujourd'hui à Angoulême, aux journalistes et caricaturistes de "Charlie Hebdo", parmi lesquels beaucoup d'entre nous comptaient des ami-e-s proches. Car comme l'ont prouvé les Grands Prix d'Angoulême remis par le passé à Reiser, Pétillon, Wolinski ou Willem, les liens entre Bande-dessinée et Dessin de Presse ont toujours été forts et nombreux : et si nos manières de travailler sont différentes, nous appartenons bien à la même famille.

C'est pour eux tous que nous avons donc une pensée particulière aujourd'hui : pour les survivants, qui n'ont maintenant plus d'autre choix que de réapprendre à vivre; et pour les disparus : Cabu, Wolinski, Charb, Tignous, Honoré et tous ceux qui ont été tuées juste parce qu'ils travaillaient à Charlie Hebdo et qu'ils y "dessinaient et imprimaient des petits bonzhommes avec des gros nez".

Et il y a d'ailleurs là une situation suffisamment absurde et tragi-comique pour être soulignée : il a fallu que des terroristes s'en prennent à des caricaturistes pour qu'on se rappelle que dessiner n'était pas si anodin.

Et à l'heure où, dans notre profession, certains se prennent à douter, se demandent si ce qu'ils font a un sens, s'il y a encore le moindre intérêt à faire nos "petites cases à la con", nos "petites BD", tout seul dans notre coin, ces meurtres constituent une violente et aberrante piqûre de rappel : il faut croire que dessiner peut parfois avoir du poids, puisqu'on peut se faire tuer pour ça.
Bien sûr, ça ne fait pas des auteurs de "Charlie-Hebdo" des super-héros, des saints ou des martyrs, et ça fait encore moins de tout dessinateur de BD un résistant ou un militant engagé  (et non, effectivement, les "Aventures de Rififi le Canard" ne sont pas toujours un brûlant pamphlet lancé à la face du Pouvoir) : mais, tout de même, oui, il faut croire que s'exprimer par le dessin doit avoir un tout petit peu de sens, puisque des milliers de personnes, en France et dans le monde entier, ont brandi des crayons lors des manifestations des 10 et 11 janvier.

Or le paradoxe absolu de cette situation, c'est qu'alors même que l'on voit fleurir partout les preuves d'un puissant attachement au dessin, à la liberté d'expression et à la culture, notre profession se porte mal, nous obligeant aujourd'hui à manifester notre colère.
Il y a presque 40 ans, il a fallu que les auteurs et artistes "descendent dans la rue" pour être entendus et pour que l’État crée un régime de sécurité sociale adapté à leurs réalités.
Il a fallu insister encore -  et pendant des années - pour que les auteurs bénéficient en 2012 du droit à la formation professionnelle continue, alors même que ce droit est reconnu pour tous les français - et depuis bien longtemps - par la Constitution.

Mais, au terme de ces avancées sociales durement acquises et alors que le marché du livre connaît une crise importante, une lettre du président du Conseil d'Administration du RAAP a provoqué l'incompréhension, et la colère dans toute la profession, auteurs et artistes confondus. Cette lettre du 5 mai 2014 annonçait une réforme du régime de retraite complémentaire obligatoire, dont les modalités, décidées sans concertation avec les auteurs, reviendraient à nous retirer chaque année l'équivalent d'un mois de revenus – alors même que l'immense majorité des auteurs gagne moins que le SMIC.

Depuis cette date, les auteurs et artistes - et en particulier ceux du groupement Bande-Dessinée du Syndicat National des Auteurs et Compositeurs - se sont mobilisés et ne cessent de dénoncer un dialogue à sens unique : car le Conseil du RAAP ne nous entend pas, annulant même les dernières réunions prévues, ce qui nous semble pour le moins irresponsable alors même que notre mouvement ne faiblit pas, bien au contraire : il prend de l'ampleur.

C'est pourquoi nous nous tournons aujourd'hui vers Le Président de la République, Monsieur François Hollande.

Nous vous demandons, Monsieur le Président - ainsi qu'à Madame Marisol Touraine, Ministre des Affaires Sociales - de prendre vos responsabilités et de négocier avec les véritables partenaires sociaux : les organisations représentatives des auteurs et artistes ! Nous vous demandons d'intervenir pour qu'une réelle concertation s'établisse avec des interlocuteurs pertinents et prêts à avancer avec nos représentants.

Nous ne remettons pas en cause le principe de la proportionnalité, mais le taux trop élevé - de 8% - choisi sans concertation, qui est irréaliste, inacceptable et contre-productif au vu des revenus moyens de l'ensemble de la profession.

Monsieur le Président, faut-il vous rappeler que les auteurs et les artistes, outre leur importance symbolique et culturelle, sont aussi à l'origine d'une richesse économique qui confère à leur secteur la troisième place de contributeur au PIB, devant l'industrie automobile ? Faut-il aussi vous rappeler que les artistes et auteurs ne pèsent rien sur l'assurance chômage - puisque nous n'en bénéficions pas - et pas plus sur les comptes de la Sécurité Sociale et de l'Assurance Vieillesse ?

Monsieur le Président, cette marche des auteurs pour la création, vous devez le comprendre, n'est qu'une des premières démonstrations d'un mouvement social inédit pour une profession pourtant réputée individualiste et désorganisée, mais aujourd'hui mobilisée et déterminée. 
Il est désormais de votre responsabilité de faire, en lien avec le Ministère de la Culture, le Ministère des Affaires Sociales, et les organisations représentatives des auteurs, les bons choix pour la culture et pour le rayonnement de la France. 
Car nous pouvons vous assurer que nous resterons attentifs et mobilisés."

 (toutes les photos présentées ici sont de Chloé Vollmer-Lo).