mercredi 16 décembre 2009

Questions Récurrentes sur Vehlmann, sa vie, son oeuvre (1)




Q : Comment décidez-vous avec qui vous travaillez ? C'est le dessinateur qui vous choisit, ou l'inverse ? (Anita)

R : Tout est possible, Anita : parfois, c'est un dessinateur qui prend contact avec moi, parfois c'est moi qui appelle un dessinateur. Tout ça se passe de manière assez naturelle lors des festivals de BD (auxquels je participe de moins en moins, cela dit, faute de temps).
Le seul truc un peu étrange, c'est que la création d'une histoire pour un dessinateur donné n'est jamais de ma part un processus "conscient". Je veux dire par là que je peux avoir très envie de bosser avec un dessinateur, mais ne pas trouver l'histoire adéquate avant de nombreuses années...
Ainsi, je voulais travailler depuis longtemps avec Eric Sagot, mais il nous a fallu 4 ans avant que je trouve enfin une approche possible de son univers (le bagne de Guyane dans les années trente). Des fois ça ne prend que quelques semaines. Et puis des fois, ça ne vient jamais. Et c'est complètement indépendant du talent du dessinateur en question. Etonnant, non ?





Q : Monsieur Vehlmann, tout bien pesé, votre vie a-t-elle un sens ? (Miguel)

R : Oui et non, Miguel.





Q : Je voudrais devenir scénariste. Avez-vous fait des études spécifiques ? (un jeune sans doute bourré de talent)

R : Eh bien non, j'ai fait des études sans aucun rapport avec la BD, et ce n'est qu'après, quand j'ai réalisé que j'avais fait fausse route, que je me suis mis au scénario.
J'ai donc appris sur le tas, en potassant des livres tels que "La dramaturgie" de Yves Lavandier (éditions Le Clown et l'Enfant), ou "Story", de Mc Kee (éditions Dixit). Non pas que ces livres suffisent à devenir scénariste, mais ils donnent des bases solides, sur lesquelles vous pouvez démarrer pour vous lancer.

Ensuite, voici quelques règles d'or que je te propose de méditer, jeune padawan (en attendant de probables développements ultérieurs, si j'en ai le temps).

Règle numéro 1
: écrire, écrire encore, écrire toujours, il n'y que ça de vrai pour vous permettre de vous améliorer, quelque soient les livres de théorie que vous aurez préalablement dévoré. Si finalement vous n'aimez pas tant que ça écrire tout le temps, c'est que vous n'êtes pas fait pour ça (mais ça peut rester un agréable passe-temps).

Règle numéro 2 : faire lire vos histoires, et accepter les critiques. Je ne vous cache pas que ça n'a pas été la partie la plus facile en ce qui me concerne. J'adorais écrire mes histoires, mais j'étais pété de trouille à l'idée que qui que ce soit y jette un oeil. Là encore, ce n'est pas bien grave... si vous voulez rester amateur. C'est plus problématique si vous voulez devenir professionnel. Car au fond, de votre capacité à encaisser puis digérer les critiques dépendra en grande partie votre aptitude à réussir dans ce métier (comme ailleurs, d'ailleurs).
Deux règles d'or dans cette règle d'or (je sais, ça se complique) :
- Ne pas croire, quand on présente un travail et qu'il est détruit par un professionnel (ou un soit-disant ami), que c'est vous en tant que personne qui êtes remis en question. Il m'est arrivé de me faire salement refuser un boulot, d'en écrire immédiatement un autre et que ce dernier soit accepté : or je n'avais pas particulièrement "changé" entre ces deux travaux. C'est juste que mon angle d'attaque était différent, que le sujet me correspondait mieux, que j'étais plus inspiré, etc... Si donc un éditeur/critique/ami vous dit que votre histoire, c'est de la merde, gardez bien en tête que ça ne veut pas dire que vous êtes de la merde. Ca veut juste dire qu'il va falloir trouver un autre angle d'attaque. Après, je ne vous cache pas qu'il faut quand même parfois compter 2 ou 3 jours pour se remettre d'une critique bien virulente. Mais on s'en remet toujours, c'est comme une mauvaise fièvre, ça passe.
- Multiplier les critiques : ne vous contentez jamais d'un seul avis, demandez-en 3 ou 4. En effet, il faut toujours garder en tête qu'une critique est à la fois en partie objective et en partie subjective : dans les commentaires que vous fera un professionnel de l'édition, il y aura sans doute à la fois des conseils réellement pertinents, des critiques sévères mais justes, mais aussi en grande partie ses goûts à lui. Et si par exemple cet éditeur déteste l'héroic-fantasy, il pourra détester votre scénario à base de trolls et d'elfes, et le juger un peu plus durement qu'il ne le faudrait, en ne voyant pas les éventuelles originalités que vous aurez apportées, faute de bien connaître ce genre.
Alors que si vous récoltez plusieurs critiques, vous pouvez les recouper et en tirer des conclusions plus posées : "tiens, 3 lecteurs sur 4 m'ont dit que la fin de mon récit était dure à comprendre... Ca veut peut-être dire qu'ils ont raison... Par contre, un seul lecteur m'a dit qu'il ne comprenait pas la motivation de tel personnage. Ma foi, si les autres ont pigé ce que je voulais dire, ça me va comme ça."
Pour autant, soyons clair, je ne vous demande pas de plaire à tout le monde : l'essentiel, en écoutant les critiques, est avant toute chose que votre histoire soit la plus claire et lisible possible, qu'aucune partie ne reste obscure (à part si c'est volontaire). Après, faites vous confiance et lancez-vous. Comme le disait un écrivain : "Je préfère n'émouvoir que quelques personnes, mais de manière extrêmement forte, plutôt que de plaire à des millions mais de manière tiède et molle." On ne saurait mieux dire.

Règle numéro 3 : recherchez à tout prix l'originalité. Plus votre projet sera neuf, jamais vu, étonnant, plus il aura de chance de convaincre un éditeur. Pour cela, traquez les clichés sans pitié : à chaque fois que vous êtes conscient de faire "comme Terminator", ou "comme Twilight" (ou que sais-je), remettez-vous à l'ouvrage et essayez de trouver une autre manière de raconter votre histoire. Autre conseil : développez votre culture générale. Plus vous êtes curieux, plus vous lisez de livres variés, plus vous allez voir des films rares au cinéma, et plus votre univers personnel sera unique, moins vos histoires ressembleront à celles des autres.

J'essaierai de donner quelques autres conseils dans de futurs posts, pour ceux que ça intéresse.





Q : Monsieur Vehlmann, pourquoi votre site s'appelle-t-il "Vehlmann adore les palmiers lumineux ?" (Floppy)

R : Tu remarqueras si jamais tu reviens sur ce site, Floppy, qu'en réalité le titre de ce blog change régulièrement. Simplement parce que je n'ai pas été foutu d'en trouver un seul qui tienne la route.