jeudi 16 décembre 2010
Avenir des auteurs : vers une légère éclaircie ?
Allez, je me permets de revenir une dernière fois (?) sur mes précédents billets apocalyptiques qui annonçaient un avenir pas des masses glorieux pour les auteurs de BD.
Vous vous rappelez, petits sacripants…. mp mp mp… (bruit de l'Oncle Paul tirant sur sa pipe quand il raconte une belle histoire au coin du feu)… que j'avais évoqué ma crainte de voir les auteurs de bande-dessinée… mp mp … s'en prendre plein la tête dans un futur plus ou moins lointain, les comparant même hardiment à des dinosaures sur le point de connaître une période d'extinction massive... mp mp...
Une prédiction pessimiste qui avait déprimé les plus fragiles d'entre nous, entamant par la même une sélection darwinienne aussi drastique qu'anticipée.
Or il se trouve que cette histoire d'extinction a été utilisée d'une manière radicalement différente par Lionel Maurel (Conservateur des bibliothèques en poste à la Bibliothèque nationale de France), qui estime sur son blog que ce sont en réalité (vous allez rire) les éditeurs eux-même qui sont les dinosaures (haha), tandis que les auteurs sont les petits mammifères mignons qui se terrent piteusement dans des trous mais qui finissent par survivre, eux (hoho).
Un changement de paradigme qui, s'il fait toujours un peu peur (puisqu'on sent quand même approcher un météore géant et qu'en plus je n'aime pas trop l'idée de vivre dans un terrier), a le grand mérite de rappeler que les auteurs peuvent tout de même réagir, s'adapter, et que leur apparente faiblesse, leur petite taille, pourrait en réalité s'avérer leur plus grande force…
Si je suis clairement ravi par cette image revigorante (plus stimulante et optimiste que celle qui fut maladroitement proposée il y a quelques semaines), je ne voudrais pas pour autant laisser croire que je me réjouis d'un possible affaiblissement des éditeurs.
Je continue en effet à penser que la meilleure manière d'aborder cette révolution technologique serait de travailler ensemble, en réels partenaires.
En effet, la période de transition qui s'annonce (du papier vers le numérique) sera tumultueuse, et nous aurions tout à gagner à collaborer étroitement pour envisager en premier lieu une économie "bi-média" (Numérique+Papier), plutôt que de miser trop vite sur le tout-numérique.
Le problème c'est que pour le moment, sur la question du numérique, je ne comparerais absolument pas nos éditeurs à des partenaires (sans quoi ils feraient montre d'une écoute plus attentive à nos revendications, et nous traiteraient d'égal à égal), mais plutôt à des parents qui forceraient de manière unilatérale leurs auteurs-enfants à accepter des clauses contractuelles pour le moins difficiles à avaler, soit disant "pour leur bien" (par exemple, en exigeant de nous la cession des droits numériques pour près de 130 ans … Authentique).
Autant vous dire que, tout immature que je sois, je n'apprécie que modérément cette façon de voir les choses.
Mais allez, faisons ensemble un effort d'imagination et d'empathie (nous sommes des êtres sensibles, que diable !), et mettons-nous une nano-seconde à penser notre relation professionnelle selon ce principe "majeur/mineur", pour voir s'il est opérant.
Eh bien je crois que même dans ce cas, la position actuelle des éditeurs n'est pas la bonne.
Car quand des parents traitent leurs enfants avec un autoritarisme trop évident, voire un soupçon de mauvaise foi ("130 ans de durée de cession numérique ?!? &@*# !?") quand bien même ce serait en croyant sincèrement bien faire, qu'est-ce qui va finir par se passer ?
Primo, les enfants qui auront le plus de caractère finiront par fuguer (comprendre ici : s'auto-éditer).
Il s'agit d'une solution courageuse, mais somme toute assez hasardeuse, car tous les auteurs n'auront pas les reins assez solides, en terme de finance ou de notoriété, pour réellement se débrouiller sans une structure éditoriale.
Il ne s'agit donc pas d'une solution miracle, et certaines reconversions pourraient s'avérer légèrement maladroites, faute d'expérience...
Mais ceci étant dit, l'auto-édition sera sans doute beaucoup moins lourde à initier qu'auparavant, précisément grâce aux nouveaux atouts du numérique (vente dématérialisée, contact direct avec l'acheteur, impression à la demande, etc…).
Certains ados fugueurs parviendront donc tout de même à brillamment tirer leur épingle du jeu, n'en doutons pas.
Et secundo, certains autres enfants, moins rebelles mais non moins animés d'un solide sentiment d'injustice, fermeront leur gueule en attendant patiemment leur "majorité" (comprendre ici : une reconnaissance suffisante du public) puis se barreront pour toujours du foyer familial, en allant vendre leurs droits directement à Apple ou Amazon.
Dans ce cas, les parents n'auront plus que leurs yeux pour pleurer, voyant en effet disparaître à jamais la chair de leur chair, le fruit d'un dur labeur et d'une patiente endurance.
Les enfants sont vraiment de sales ingrats bien pourris.
Pour éviter ces extrémités, ces familles déchirées, ces larmes et ces cris, quel conseil l'Oncle Paul… mp mp mp… pourrait il donner à nos chers éditeurs ?
Eh bien en fait, c'est super facile. Prenez vite de quoi écrire.
Chers éditeurs, si vous voulez devenir immédiatement des héros intergalactiques à nos yeux, acceptez une seule et unique clause, toute simple :
Une durée de cession limitée dans le temps de nos droits numériques (par exemple de 3, 5 ou 10 ans), avec tacite reconduction.
Cette "tacite reconduction" veut dire que si la collaboration éditoriale se passe bien, les droits numériques peuvent tout à fait continuer d'être exploités par l'éditeur, même au delà de cette première durée.
Mais que si les choses se passent mal, l'auteur récupère ses droits en faisant simplement la demande en temps et heure.
Avec cette seule et unique clause, ce tout petit pas symbolique effectué dans notre direction, vous décrisperez d'un seul coup la tension actuelle entre auteurs et éditeurs, et vous instaurerez pour le coup un réel partenariat.
A titre personnel, je serais alors même prêt à accepter (en tous cas temporairement) vos incroyables 8% de droit d'auteurs, que j'estime pourtant injustifiés !
Elle est pas belle, la vie ?
Je connais alors beaucoup d'auteurs qui se révéleront soudain tout à fait prêts à vous faire part de leurs bonnes idées de "BD en ligne" et autres trouvailles numériques sensationnelles, qu'ils se gardent bien pour l'instant de partager avec vous, au cas où ils fugueraient un jour…
Nous pourrons alors vraiment parler de "bi-média".
La balle est dans votre camp, vieux camarades !!