mercredi 22 décembre 2010

Questions Récurrentes sur 8comix



Q : Vous avez monté ce site en réaction au manque de concertation de vos éditeurs ? C'est une action de votre syndicat ? (Elliot)

R : Ce n'est ni une action contre nos éditeurs (la preuve en est que certains d'entre eux ont accepté de jouer le jeu de notre site), ni une action syndicale du Snac (je dirais même que certains membres du Snac ne sont pas plus emballés que ça pour cette initiative de "gratuité"). Cf ci-dessous.





Q : De la mise en ligne gratuite ? Mais vous sciez la branche sur laquelle vous êtes assis !! Comment allez-vous financer la création de vos albums, ou bien éviter que cela ne fasse chuter les ventes de vos livres ?! (bernard)

R : C'est tout l'intérêt de l'expérience...

Nous ne sommes pour l'instant sûr de rien, et bien malin qui pourrait dire ce que sera l'économie numérique d'ici 5 ou 10 ans. Nous savons juste que le modèle à venir sera sans doute très différent du paradigme existant. Et nous préférons tenter des choses (y compris une mise en ligne gratuite) plutôt que d'attendre passivement.

Mais ta question sur le financement de la création est tout à fait pertinente. En ce qui concerne les auteurs ayant participé à 8comix, chacun s'est débrouillé à sa manière.

Certains ont bossé gratos dans leur coin et, de fait, conserveront donc tous leurs droits sur la BD mise en ligne (avec éventuelle possibilité de vendre "à la coupe" leur BD par la suite : les droits de publication papier à tel éditeur, les droits d'adaptation audiovisuel à tel producteur, etc... Mais je laisserai les auteurs concernés en parler mieux que moi).

C'est un choix courageux car potentiellement risqué : si leur projet ne marche pas, ils auront travaillé pour rien.

D'autres ont conclu un deal avec un éditeur de manière à pouvoir être payés en amont pour la création de l'oeuvre.

En ce qui me concerne, j'ai ainsi signé un contrat "classique" avec Franck Marguin, chez Glénat, qui a de son côté accepté le principe d'une mise en ligne gratuite et permanente de l'album sur 8comix. Nous nous sommes simplement mis d'accord pour que la mise en ligne se fasse par épisode, et que l'album "papier" sorte presque au début de cette web-publication, et non après.

Quant à Jason, il a accepté l'idée d'une lecture gratuite en y voyant une manière de faire connaître son travail à un plus grand nombre de lecteurs. Car son dessin très minimaliste peut dérouter, et nombreux sont ceux qui n'ont jusqu'à présent pas pris la peine d'acheter un de ces albums pour se faire réellement une idée.
Alors que moi je dis : "Jason, l'essayer c'est l'adopter".

Finalement, cette histoire de gratuité, c'est un peu le même débat que pour le piratage : cela fait-il plus de mal que de bien aux ouvrages concernés ?...
Les avis sont sérieusement partagés sur ce sujet, c'est le moins qu'on puisse dire ! Et je ne prétends pas avoir une opinion complètement tranchée sur la question.
Mais c'est précisément pour cela qu'il sera par exemple très intéressant pour moi de voir si cette mise en ligne gratuite de "L'île aux 100 000 morts" sur 8comix aura un impact (bon ou mauvais) sur les ventes de l'album.





Q : Il y a une contradiction flagrante entre vos revendications syndicales pour de meilleurs pourcentages de droit d'auteur sur les ventes numériques, et cette proposition de lecture gratuite. Vous êtes vraiment une bande de gros schizos. (Nicolas Fraisemolle)

R : Je te kiffe toujours autant, Nicolas.

Là où on pourrait penser que David Chauvel, Olivier Jouvray, Cyril Pedrosa ou moi sommes complètement bi-polaires, c'est que nous défendons effectivement d'un côté (via le syndicat) l'idée de meilleurs pourcentages dans les contrats nous reliant à nos éditeurs, mais que nous tentons aussi parallèlement une mise en ligne gratuite de certaines de nos oeuvres (gratuité qui, je le disais plus haut, ne convainc pas tous nos petits camarades du SNAC, preuve s'il en est qu'on peut être syndiqués sans être obligatoirement d'accord sur tout, ce qui est tout à fait sain).

Or à nos yeux, les deux choses ne sont pas incompatibles : nous voulons expérimenter tous les modèles, mais que chacun de ces modèles soit le meilleur possible pour les auteurs, point barre.

Si c'est le modèle payant qui s'impose (passant ou non par la plateforme d'un gros éditeur), alors nous voulons être payés plus que les fameux 8% du prix de vente, qui n'ont à ce jour toujours pas été justifiés de manière convaincante à nos yeux : nous attendons encore et toujours de recevoir les fameux "camembert de répartition" des coûts du numérique brièvement évoqués par le SNE... Rappelons qu'aux USA, on s'approche plus de 20 ou 30% du prix de vente numérique pour les auteurs !!
Ou alors nous demandons (comme je l'ai fait dans un précédent post) une limitation de la durée de cession de ces droits (et non une simple "clause de revoyure", pas du tout contraignante pour l'éditeur).

Mais si c'est le modèle gratuit qui risque de s'imposer, alors nous devons réfléchir dès maintenant à la manière dont les auteurs parviendront tout de même à être payés pour leur travail.

Et si vous voulez savoir vers quel modèle mon coeur penche en ce moment, à titre strictement personnel, c'est en fait sans doute vers un mélange des deux : le fameux "freemium" ("free" + "Premium"), qui mélange gratuité et "bonus payants"... Mais là, je n'en suis encore qu'au début de ma réflexion.




Q : Vous dites que 8comix est plutôt ado-adulte, et vous évoquez des tortures et des morts dans votre BD... Etes-vous sûr que "L'île aux 100 000 morts" est réellement pour "tout public" ?

R : A vrai dire, "L'île aux 100 000 morts" est à la frontière entre le tout-public et l'ado-adulte. Les thèmes abordés sont en effet assez durs (tortures, exécutions sommaires…) mais l'humour et le style de dessin instaurent à mon sens un décalage qui permet à un public plus jeune de bien se marrer (un peu comme dans Green Manor).
J'en tiens pour preuve la réaction enthousiaste d'un jeune lecteur de "Seuls", à qui j'avais brièvement présenté le projet avec Jason, et qui était déjà super excité à l'idée de bientôt lire cette BD "où y a des gens qui se font couper la tête".

Eh oui, je sais, il n'y a plus de jeunesse.

Mais joyeux Noël à tous quand même.