samedi 7 mai 2011

Droits numériques : quelques réflexions personnelles suite à la lecture du rapport du B.I.E.F


Histoire d'essayer de m'y retrouver dans le dédale du numérique, j'ai récemment lu le rapport "Achats et ventes de droits de livres numériques : panorama de pratiques internationales", du Bureau International de l'Edition Française, résultat d'une étude tout à fait intéressante menée par quelques représentants de l'édition dite "classique" (Hachette, Gallimard, Flammarion…) dans différents pays, tels que USA, Japon, Allemagne, Italie…

Un beau boulot, qui peut nous servir de base de réflexion, même si je ne serai évidemment pas tout à fait d'accord avec toutes leurs conclusions, comme lorsqu'ils laissent entendre que, non, dans leur immense majorité, les auteurs ne sont pas du tout embêtés par les contrats numériques qu'on leur fait signer…

Euh, aux Etats-Unis, je ne sais pas, mais en France, et concernant la BD, si, si, on râle un peu, quand même. Peut-être la fameuse exception française ?...


Comme j'ai déjà abondamment abordé les points de divergences entre éditeurs et auteurs dans de précédents posts, que la situation de négociation entre SNE et syndicats d'auteurs n'avance qu'à pas de fourmi (…si elle avance ?... Mais sur ce point, le SNAC en saura plus que moi), il me parait maintenant plus intéressant de lister les points sur lesquels nous pourrions nous mettre d'accord plus rapidement, histoire de pouvoir d'ores et déjà apporter quelques améliorations à nos contrats en cours.

Car - et je le rappelle avec une légère amertume - il est actuellement presque toujours impossible à un auteur de BD de signer un contrat pour un livre papier sans en signer la clause numérique telle que proposée par nos éditeurs (à savoir 8% de droits d'auteurs sur le prix de vente, et une cession pour 70 ans après notre mort) … Un refus est considéré ici comme un "dealbreaker", comme l'appellent les américains.


Mais allons, haha, ne nous laissons pas abattre et rebondissons allégrement sur les points qui pourraient faire l'unanimité à mes yeux.

J'en retiendrai trois à la lecture de ce rapport :

Premièrement, en ce qui concerne l'édition "classique", de nombreux éditeurs étrangers semblent d'accord pour tendre vers un pourcentage proche de 15% du prix de vente, pour les auteurs...

C'est certes moins que ce que nous voudrions, mais c'est toujours mieux que 8%.

Cela semble qui plus est aller dans le sens des déclarations de Mr Gallimard lui-même, actuel président du SNE, qui laissait entendre il n'y pas si longtemps dans "Le Monde", si je me souviens bien (mais c'est à vérifier), qu'il devrait pouvoir être envisagé de tendre, en matière de droit d'auteurs numériques, vers ce qui se fait de meilleur en droit d'auteur sur le livre classique (soit 14 ou 15%).

C'est pas encore tout à fait ça, mais ça nous donnerait déjà un peu moins l'impression de signer ces contrats avec notre sang.



Deuxièmement, on voit dans le rapport du B.I.E.F qu'une partie des éditeurs américains semblent trouver naturel d'accorder un pourcentage supérieur pour les titres du fonds, ceux pour lesquels on demande aux auteurs la signature d'un avenant numérique supplémentaire (ce qui se pratique en France pour les albums dont les contrats ont été signés avant 2008, en gros).

Alors pourquoi ne pas faire un geste, vis à vis des auteurs, lors de la rédaction de ces avenants, en nous proposant un pourcentage de 20 ou 25% sur ces livres déjà amortis ?
Voilà qui ramènerait un peu de couleurs à nos jolies petites joues rendues pâles par l'hiver !


Troisièmement, on voit apparaître dans certains contrats étrangers une clause intéressante stipulant que si l'œuvre se retrouve piratée sur internet, alors la cession numérique est aussitôt rendue caduque et les droits numériques reviennent à l'auteur !

On peut en effet débattre longuement des dangers éventuels du piratage, mais quoi qu'il en soit, une telle clause semblerait tout à fait logique, étant donné que l'argument de la "protection contre le piratage" est régulièrement mis en avant par nos éditeurs pour nous demander de leur céder nos droits.
Si donc les éditeurs refusent cette clause, je serais curieux qu'ils nous expliquent pourquoi.

Sur ce, bonnes négociations, les petits amis ! Que votre "pêche à la bonne clause" soit miraculeuse !